30 novembre 2006

Article du journal Le Monde du 1er décembre

L'article de Philippe Ridet dans le Monde daté du 1er décembre est à consommer avec modération:

Serres-Castet, le nom de Bayrou est connu depuis plus d'un siècle. Il y eut d'abord François, le fondateur de la lignée, dans les Pyrénées-Atlantiques. Vers 1850, il a quitté le village, dont les terres ne faisaient plus vivre sa famille, pour Bordères, dans la plaine, à quelques dizaines de kilomètres. Il y a aussi Raymond. Son nom est désormais gravé aux côtés de quelques autres sur le monument aux morts de ce village de 1 500 âmes. C'est ici que, samedi 2 décembre, François Bayrou déclarera officiellement sa candidature à l'élection présidentielle. "Raymond, c'était un cousin de mon grand-père, François, raconte le futur candidat. Il est mort à la guerre de 14-18."

A l'heure où Nicolas Sarkozy annonce sa candidature à l'Elysée dans la presse régionale, à l'heure où Ségolène Royal transforme sa terre d'élection de Melle (Deux-Sèvres) en terre quasi natale, François Bayrou retourne simplement chez lui pour annoncer aux Français qu'il brigue à nouveau leurs suffrages. C'est son avantage sur ses rivaux. Un luxe qu'il n'a pas eu à conquérir et qui fut longtemps son complexe. La revanche du petit paysan. "Quand je suis venu à Paris,j'ignorais les codes vestimentaires, les règles implicites, les moeurs et les réseaux." explique-t-il avec des accents de Petit Chose qui a réussi dans la capitale,

Lui, il est d'ici. Toute une lignée d'ancêtres ont contemplé en deux siècles la plaine de Pau et la chaîne des Pyrénées qui s'étage en balcons. Le président de l'UDF n'a pas été long à voir le profit qu'il pouvait tirer de cet enracinement alors que l'histoire personnelle de ses principaux rivaux les prive de véritables racines. "J'ai cessé de tricher avec moi-même, dit le président de l'UDF pour expliquer son choix d'une déclaration "au pays". L'authenticité aujourd'hui est une arme. Il faut s'adresser à son pays avec ce qu'on est." En 2002, il avait choisi le cadre institutionnel du conseil général. Cette fois, si le temps le permet, cela aura lieu en plein air, sur la place du village. Il ne manquera plus que la musique de Douce France pour faire la bande-son de ce chromo provincial.

Aujourd'hui, par un miraculeux renversement des valeurs, il lui suffit d'être lui-même pour être différent. Démodé dans les années 1980, Bayrou est devenu tendance, comme les produits bio ou le développement durable. La mort de son père, Calixte, paysan érudit mort en tombant d'une charrette de foin, peut se lire comme une page d'histoire de France. Sa biographie d'agrégé de lettres, professeur le jour et soutien de famille le reste du temps, appartient aux grandes heures de la méritocratie républicaine. L'ancien bègue qui est parvenu à vaincre son handicap est un exemple de volonté. Hier, le microcosme le snobait, moquait ses costumes de provincial, ses manières mal dégrossies, son parler de prof. Aujourd'hui, Bayrou est devenu un must sans rien changer ou presque.

Pourtant, ce franc-tireur qui tient la gauche et la droite dans son viseur n'a pas toujours eu ce courage. Longtemps, François Bayrou fut lui aussi un apparatchik. "J'ai été longtemps un jeune conformiste, avoue-t-il Et sans doute "formiste" est-il de trop." Car, avant d'être un rebelle, François Bayrou chercha à être un héritier. C'est un parti de nantis et de notables, où le pouvoir se transmet de père en fils, qu'il choisit pour son entrée en politique. Il y retrouve les fils des Bosson, des Méhaignerie. Chez eux, le pouvoir se transmet comme un titre ou une propriété. Mais ils sont catholiques, et c'est d'abord ce qui compte à ses yeux.

Dans ce petit parti on monte vite. Les qualités de plume de François Bayrou font merveille. Il écrit les discours de Pierre Méhaignerie, Jean Lecanuet, Pierre Pflimlin. Dirige des lettres d'informations. Inonde la presse locale. Il connaît sa valeur, se sent sûr de lui. Il ne dîne pas avec les puissants, mais il sait les séduire par un mélange de culot et de culture. Il conquiert rapidement le statut de "jeune espoir". La naissance de l'UDF en 1976 aidera à sa promotion. Dix ans plus tard, en 1986, il gagne son premier mandat de député. Et connaît sa première désillusion : "Député, raconte-t-il, c'est formidable, le premier soir. Les amis vous félicitent, votre femme couche pour la première fois avec un élu - dans la plupart des cas -, on vous donne une écharpe. On découvre alors qu'on n'est rien."

Mais ce "rien" va le faire rêver quelques années encore. S'il dit négliger les allées du pouvoir et le contact des puissants, ni les unes ni les autres ne lui sont étrangers. Deux mandats de ministre viennent couronner cette oeuvre de patience et d'abnégation. Les jeux d'appareil ne lui sont pas défavorables non plus. La prise du CDS en 1994, sa transformation en Force démocrate deux ans plus tard sont autant de marches vers le pouvoir et le destin qu'il s'imagine. "Je ne ferais pas ce métier si je n'étais pas persuadé d'être le meilleur, si je devais me contenter d'être médiocre", a-t-il confié un jour à sa biographe Violaine Gelly (François Bayrou, éditions Bertillat, 270 p., 18,29 €). Tout Bayrou est là : orgueil démesuré et détermination absolue. Alain Lamassoure le compara un jour au rugbyman Jean Gachassin : "Il était comme lui, vif-argent." Bayrou semble renier ses succès : "Je savais jouer le jeu, mais il y avait des cartes sous la table que je ne voyais pas." Le bilan n'est pas si mauvais, pourtant.

C'est aussi dans ces années-là que se forme la bande à Bayrou. Marielle de Sarnez, Claude Goasguen, Eric Azière et Jean-Louis Bourlanges en sont les premiers piliers. Plus tard s'y joindront les Borloo, Leroy, Morin... Le président de l'UDF est accusé par certains centristes d'un fonctionnement "clanique". Ils dînent tard à la brasserie Lorraine ou chez Thoumieux. Jouent au tarot jusqu'à pas d'heure et font de la politique entre deux plis. Les discours sont écrits aux petites heures du matin. Parfois cela se voit, d'autres fois pas. Bayrou gagne une réputation de dilettante. Il laisse dire. L'époque après tout est à la facilité, il n'en manque pas. "J'ai longtemps surestimé l'intelligence", dit-il comme pour s'excuser.

De la même manière, s'il fustige aujourd'hui "la com' frelatée" de ses rivaux, il s'essaye prudemment à cette nouvelle donne de la politique. "Je suis assez peu exhibitionniste", aime-t-il à dire. A une certaine époque pourtant, il a tenté, après d'autres, d'afficher sa femme dans un meeting, puis dans Paris Match. Mais voilà, "Babette" n'a pas été jugée suffisamment glamour pour intéresser les médias. Bien vite, Bayrou a préféré poser aux côtés de ses chevaux et mettre en scène son authenticité d'homme. C'est à Paris qu'il forge ses victoires, mais c'est en province qu'il les goûte à leur juste valeur. En 1994 déjà, il décrit sa victoire à la présidence du CDS contre le Haut-Savoyard Bernard Bosson "comme la revanche de la province profonde, la revanche des racines contre les cercles de pouvoir arrogants, souvent méprisants, qui parlent de nous et de ce que nous sommes avec condescendance, parfois avec mépris". Il commence à tester la posture du rebelle, mais trop de liens le retiennent aux anciens parapets du pouvoir.

Et puis, dit-il, "un jour j'ai cessé d'avoir peur". La date précise lui a échappé. En 1999, alors que Jacques Chirac veut imposer Philippe Séguin à la tête d'une liste RPR-UDF aux européennes, Valéry Giscard d'Estaing menace Bayrou : "Si vous ne faites pas votre propre liste, je vais à la télévision pour dire que l'UDF est morte et que vous l'avez tuée." Bayrou hésite, tergiverse. Avant de se décider, il voit son vieil ami Jean Sérisé, originaire comme lui de Bordères. Celui-ci lui pose cette question en forme d'énigme : "François, que voulez-vous vraiment être : agrégé de lettres ou homme politique ? Faire de la politique, cela consiste à se présenter aux élections." Bayrou n'oubliera pas ce conseil. Pourtant, il raconte avec un peu de fausse modestie : "J'aurais beaucoup aimé n'être que le soutien actif, fidèle et amical de ceux que, dans ma jeunesse, je regardais comme de grands hommes et de grandes femmes." Il crut tour à tour que Valéry Giscard d'Estaing, Simone Veil, Jacques Delors ou Raymond Barre pourraient être ceux-là. Lassé par les inconstances des uns et les échecs des autres, il aurait décidé de jouer sa propre carte, faute de mentor à servir.

Plus sûrement, sa haine du RPR et de son fonctionnement "clanique" l'a tout autant motivé. Chirac l'a humilié en le reconduisant, en 1995, au ministère de l'éducation nationale afin qu'il mène une réforme dont il ne voulait plus. Il entend encore le mot du chef de l'Etat à Nicolas Sarkozy : "Un centriste, cela se roule dans la farine et on le fait frire." Il ne lui pardonne pas d'avoir saisi le prétexte du 21 avril 2002 pour créer l'UMP et le détruire. Bayrou a vu partir des amis de vingt ans. De ce jour, le centriste critique s'est transformé en centriste radical. Chaque vote du parti à l'Assemblée a été l'occasion d'une guérilla. A trente députés, ils ont tenu, plus ou moins courageusement, un poste avancé. Coupé de toute base de repli.

De la même manière, s'il fustige aujourd'hui "la com' frelatée" de ses rivaux, il s'essaye prudemment à cette nouvelle donne de la politique. "Je suis assez peu exhibitionniste", aime-t-il à dire. A une certaine époque pourtant, il a tenté, après d'autres, d'afficher sa femme dans un meeting, puis dans Paris Match. Mais voilà, "Babette" n'a pas été jugée suffisamment glamour pour intéresser les médias. Bien vite, Bayrou a préféré poser aux côtés de ses chevaux et mettre en scène son authenticité d'homme. C'est à Paris qu'il forge ses victoires, mais c'est en province qu'il les goûte à leur juste valeur. En 1994 déjà, il décrit sa victoire à la présidence du CDS contre le Haut-Savoyard Bernard Bosson "comme la revanche de la province profonde, la revanche des racines contre les cercles de pouvoir arrogants, souvent méprisants, qui parlent de nous et de ce que nous sommes avec condescendance, parfois avec mépris". Il commence à tester la posture du rebelle, mais trop de liens le retiennent aux anciens parapets du pouvoir.

Et puis, dit-il, "un jour j'ai cessé d'avoir peur". La date précise lui a échappé. En 1999, alors que Jacques Chirac veut imposer Philippe Séguin à la tête d'une liste RPR-UDF aux européennes, Valéry Giscard d'Estaing menace Bayrou : "Si vous ne faites pas votre propre liste, je vais à la télévision pour dire que l'UDF est morte et que vous l'avez tuée." Bayrou hésite, tergiverse. Avant de se décider, il voit son vieil ami Jean Sérisé, originaire comme lui de Bordères. Celui-ci lui pose cette question en forme d'énigme : "François, que voulez-vous vraiment être : agrégé de lettres ou homme politique ? Faire de la politique, cela consiste à se présenter aux élections." Bayrou n'oubliera pas ce conseil. Pourtant, il raconte avec un peu de fausse modestie : "J'aurais beaucoup aimé n'être que le soutien actif, fidèle et amical de ceux que, dans ma jeunesse, je regardais comme de grands hommes et de grandes femmes." Il crut tour à tour que Valéry Giscard d'Estaing, Simone Veil, Jacques Delors ou Raymond Barre pourraient être ceux-là. Lassé par les inconstances des uns et les échecs des autres, il aurait décidé de jouer sa propre carte, faute de mentor à servir.

Plus sûrement, sa haine du RPR et de son fonctionnement "clanique" l'a tout autant motivé. Chirac l'a humilié en le reconduisant, en 1995, au ministère de l'éducation nationale afin qu'il mène une réforme dont il ne voulait plus. Il entend encore le mot du chef de l'Etat à Nicolas Sarkozy : "Un centriste, cela se roule dans la farine et on le fait frire." Il ne lui pardonne pas d'avoir saisi le prétexte du 21 avril 2002 pour créer l'UMP et le détruire. Bayrou a vu partir des amis de vingt ans. De ce jour, le centriste critique s'est transformé en centriste radical. Chaque vote du parti à l'Assemblée a été l'occasion d'une guérilla. A trente députés, ils ont tenu, plus ou moins courageusement, un poste avancé. Coupé de toute base de repli.

Les Français, imagine le président de l'UDF, aiment ces histoires où les petits tiennent tête aux grands, les faibles aux puissants. Ses rivaux s'amusent de ce qu'ils croient être de l'orgueil. Ils saluent ses capacités d'analyse, mais doutent de ses moyens d'action. Bayrou rigole : "Je leur donne rendez-vous dans le match."

Samedi, je serais à Serres-Castet...


25 novembre 2006

La grande muette ou le p’tit dur

Et c’est reparti ! La diva vient de remporter la Primaire. Les Bonnie & Clyde du PS ont raflé le magot de Tonton, un vrai coup de Jarnac. Chapeau bas ! Les socialistes sont désormais en lévitation derrière leur Madone. Le PS a son élan, son icône ; il ne lui manque plus que la parole ! La foire aux bonnes idées peut enfin commencer.

Et voilà que la rengaine médiatique s’est remise en marche depuis une dizaine de jours. On nous ressert le Ségo-Sarko au p’tit déj, le midi, au goûter, au dîner. Vous ne voulez pas du rab ?

« Ce soir, petit, c’est la poire ou le fromage. Et si tu ne choisis pas vite, Papi Jean Marie viendra te botter le cul ! »

Assez !

Le blanc ou le noir, la droite ou la gauche, le bien ou le mal, la grande muette ou le p’tit dur…c’est stupide ! Fuyons cet enfermement ! Libérons-nous ! Devenons adultes, la voie à suivre est tout autre.

08 novembre 2006

Lutte contre le réchauffement politique

Nicolas Hulot fait durer le suspense et il a bien raison. Son pacte écologique commence à infuser dans les différentes équipes de campagne.

Laurent Fabius, comme une dernière bouteille à la mer avant son naufrage, l’enrôlerait volontiers capitaine de vaisseau sur son radeau de fortune. Nicolas Sarkozy, toujours collé à l’actualité, reprend illico une partie de son programme dans une tribune publiée mercredi par "Le Figaro".

Personnellement, je trouve cet intérêt soudain, ce nouvel exercice de communication, complètement déplacé et indigne de l’enjeu. Qu’en restera t-il au lendemain du second tour de la présidentielle ? Comment croire en des partis politiques qui contribuent depuis 25 ans à transmettre à nos enfants davantage de dette et de pollution ? Comment croire que des lois qui vont engendrer une mutation profonde de notre mode de vie pourront être votées par un parlement qui n’est même autorisé à débattre sur les OGM, sur la privatisation des autoroutes ou sur l'adhésion de la Turquie ?

La refondation de notre démocratie et de nos institutions reste une priorité essentielle.

Les mesures que nous devons prendre pour défendre notre environnement doivent faire l’objet d’un large consensus.Une nouvelle majorité capable de rassembler et de dépasser les querelles partisanes doit sortir des urnes l’année prochaine pour mener à bien ces combats.